Où en est-on avec l’endurance belge de haut niveau ? Alors que la saison 2024 s’est terminée (en Europe tout du moins) à la mi-décembre, à Sines, au Portugal, et que celle de 2025 pointe déjà le bout de son nez pour ce 17 janvier, à Badajoz, dans le sud de l’Espagne, le moment s’avère opportun pour établir un baromètre de l’activité de nos cavaliers internationaux durant les 12 mois qui viennent de s’évaporer.
Moteur wallon
Parmi les Belges, 48 représentants ont participé, en 2024, à des épreuves de 100 kilomètres et plus : la plupart étant des courses internationales (CEI), quelques-unes restant nationales (CEN). Parmi ces 38 cavalières et 10 cavaliers, 37 sont affiliés à la LEWB (77%), tandis que 11 le sont à la ligue flamande Paardensport Vlaanderen (23%). Les Wallons étaient 30 en 2022, 35 en 2023 : ils continuent dès lors leur progression. Par contre, les néerlandophones sont passés de 14 en 2022 à 15 en 2023, pour tomber à 11 en 2024.
Chaque cavalier a couru, à haut niveau, en moyenne 4,77 fois : 5,11 chez les LEWB et 3,64 chez les affiliés de Paardensport Vlaanderen. L’indice national était de 4,70 en 2022 et 4,30 en 2023 : il progresse dès lors en 2024. Au total, les Belges ont donc pris 229 départs en 2024, pour 207 en 2022 et 218 en 2023. En une année, on assiste à une amélioration quantitative de 5%, la proportion entre LEWB-Paardensport Vlaanderen se situant à 83% pour les premiers (189 départs) et 17% pour les seconds (40 départs).
Satisfaction mitigée également au niveau qualitatif : si le pourcentage global de réussite affiche 64% (mieux que les 63% de 2022 et les 59% de 2023), le nombre de podiums (30) régresse par rapport aux deux années précédentes (35 en 2022, 39 en 2023). Idem pour le nombre de victoires : 18 en 2022, 20 en 2023, mais seulement 13 en 2024 (dont 2 fois Elisabeth Hardy, 2 fois Lara Lemaire, 2 fois Pierre Arnould). Nos compatriotes ont été plus prudents que d’habitude. CQFD. Cette retenue se traduit par un taux de réussite en hausse, mais par des honneurs en baisse.
Louna, le record !
Après des décennies 2000 et 2010 florissantes, nanties de dernières médailles en 2021, 2024 confirme en outre, et tristement, les difficultés collectives, de ces trois dernières saisons, pour nos sélections nationales, à se classer sur les championnats d’Europe ou du Monde. A Monpazier, sur le Mondial Senior, seule Marion Mottoul-Lamorinière rentre son cheval (25ème avec Apple du Colombier, Arquès Perspex x RAS El Hadar, 2013). Idem chez les juniors durant l’Européen de Sardaigne où Lara Lemaire sera l’unique de nos représentantes à trouver grâce dans le tableau final (14ème avec Inaya Al Rius). Les performances individuelles viennent heureusement pallier aux manquements des équipes fédérales. Après une galopade, unique dans les annales de la Fédération belge (toutes disciplines confondues), de 19 mois au sein du Top 10 du Ranking Mondial des cavaliers seniors (3.133 athlètes repris), établi mensuellement par la Fédération Equestre Internationale (FEI), Louna Schuiten finit logiquement 2024 dans le haut du panier, en se maintenant toujours à une superbe 10ème position après, désormais, 20 mois de présence dans cette cime. Elle est accompagnée, au sein du Top 100, par deux habituées de ce hit-parade : son éternelle concurrente (et néanmoins amie) Elisabeth Hardy (27ème), ainsi que sa mentor historique, l’inoxydable Karin Boulanger (99ème). Les 7 autres meilleurs représentants belges de ce classement sont dans l’ordre :
- 4/ Steve Peignat, #163 ;
- 5/ Marion Mottoul, #169 ;
- 6/ Laura Lenges, # 219 ;
- 7/ Clémentine Truffet, #268 ;
- 8/ Pierre Arnould, #286 ;
- 9/ Dominique Evrard, #324 ;
- 10/ Bastijns Peter, #338. A l’exception de ce dernier, les 9 précédents sont tous affiliés LEWB.
Belgique au centre
A l’analyse plus pointue du Top 100 de ce Ranking Mondial Senior, souvent considéré comme le reflet de l’état de santé géographique international de notre sport, il s’avère que, parmi les 25 nations représentées, la Belgique, avec ses 3 athlètes, occupe une honorable (mais certes améliorable, de l’ambition que diable !) 7ème place en ordre d’importance. Elle s’y trouve devancée par :
- 1/ la France (écrasante domination avec 29 athlètes),
- 2/ le Bahrein (15),
- 3/ les Émirats Arabes Unis (11),
- 4/ la Chine (7, incroyable progression en une décennie à peine),
- l’Espagne (7),
- l’Italie (5).
- Derrière nous, on trouve les États-Unis, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, le Portugal et la Suisse (chacun 2),
- puis l’Allemagne, l’Argentine, l’Australie, le Brésil, le Chili, l’Équateur (représenté par Nathalie Weemaels, amazone belge, originaire d'Enghien, ayant longtemps vécu à Quito et qui possède la double nationalité), la Finlande, la Hongrie, l’Inde, la Malaisie, le Qatar, la Slovaquie et l’Uruguay (1 représentant chaque).
Si l’on se penche sur le challenge des « combinaisons » cavalier-cheval, on pourra y trouver quelques autres motifs de satisfaction. Parmi les 5.690 couples retenus, 97 sont Belges. Et 5 figurent dans le Top 100 :
- 1/ Louna Schuiten & Goldorak du Moulin AA (#17, Sadaqa du Lauragais x Azur, 2016) ;
- 2/ Karin Boulanger & Gibson Al Ondrel (#42, le duo champion de Belgique en titre) ;
- 3/ Louna Schuiten & Hissane Kisswani AA (#77, NA Figuroso x The Wonder, 2009) ;
- 4/ Marion Mottoul & Apple du Colombier (#90) ;
- 5/ Elisabeth Hardy & Jaka do Inquisidor (#95, Sadepers x Gaucho, 2014)
Nouvelle recrue
Le challenge de régularité, mais celui réservé aux athlètes juniors (14 à 21 ans) cette fois, et qui affiche 851 classés, se voit fourni d'un groupe de 9 Belges, 100% féminin (7 LEWB et 2 Paardensport Vlaanderen) : les 3 meilleures, toutes LEWB et jeunes personnalités bien connues, étant Lara Lemaire (#60), Clara Darmstaedter (#115) et Zoé Snoeck (#187). A noter, la première apparition d’un nouveau nom : celui de Rani Lips qui, à 14 ans, a entamé les CEI il y a 6 mois seulement. Elle a d’emblée marqué la saison, dans le microcosme de l’Endurance belge, par ses performances, sa régularité et sa modestie. Cavalière à suivre !
Parmi les combinaisons chez les juniors (1.477 reprises), seules Lara Lemaire & Inaya Al Rius (Sheraky de la Pomme x Condor) apparaissent dans le Top 100 (#47).
Pour une anecdote, qui, en réalité, n'en est pas une, Inaya, jument de 2012, appartenant à Patricia Guéret et Victor Lopes De Oliveira de l’élevage de l’Eaunoire (Couvin), a été, comme l’écrasante majorité des chevaux d’Endurance actifs tout autour de la planète, importée de France. C’est que, et ceci explique plus que probablement cela, la France surfe sur la discipline grâce à ses athlètes, entraîneurs et techniciens, mais aussi et surtout, grâce à ses éleveurs et ses pedigrées, auprès desquels se fournissent les écuries des 6 continents.
Chevaux hexagonaux
Avec 4.555 individus retenus, le classement FEI des chevaux 2024 ressemble, à s'y méprendre, à un catalogue de l'Association Française du Cheval Arabe (ACA). A commencer par le Champion du Monde en titre : Everest la Majorie (Baltik des Ors x Derkouch), hongre de 2014 (confié plusieurs années à l'entraînement d'Elisabeth Hardy), qui a offert la Médaille d'Or au Bahrein (Cheikh Nasser Al Kalifa). La Belgique ne fait pas exception, puisque l’essentiel de nos montures performantes ont des origines hexagonales.
Il faut aller à la 71ème position pour trouver les premières traces d'un élevage de chez nous, avec Gibson Al Ondrel (Bekam de Piboul x Tauqui El Masan, 2016), dont la 2ème mère n'est autre qu'Opalina (1992, Pedant x Habor), jument de base du haras Al Ondrel, de Jacques Arnould et Michèle Grisard, à Virton (championne de Belgique 2001 avec Jacques) et, comme son plein frère Orfeo (le fameux cheval de Léonard Liesens), née chez Evelyne Scohier, au haras des Iviers, à Chimay.
Le premier véritable cheval belge, sans courant de sang français, se trouve en 229ème place du Ranking FEI. Sacré, en 2022, numéro 2 mondial du même classement et numéro 1 de celui des combinaisons (en couple avec Karin Boulanger), Ph. Ibn Jadara'h, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a pâti, cette saison, des modifications de règlement qui tiennent compte, désormais et notamment, du nombre de partants et de classés sur chacune des compétitions entreprises (logique bien entendu). N'empêche que le hongre de 2012, a, en 2024, en duo avec Pierre Arnould, remporté 2 CEI de 120 km et signé une 7ème place sur les mythiques 160 km de Florac. Héritier d'un pedigrée atypique pour l'endurance (Ibn Barrada x Gudjar x Plakat), Jadara'h est né, et a été élevé, à Houyet chez Rachel Jaumotte, au haras Phénix Arabians.
Dans le Top 250, un seul autre cheval belge, aux pareilles caractéristiques, s'immisce, à la 240ème place : Aïda, la jument part-arabe de Nicolas Willems (Nescio x CD Sameen x Kniazj), finaliste du Mondial 2022 (couru en janvier 2023 à Abou Dhabi) et médaillé d'Argent au dernier Championnat de Belgique, qui est née en 2010, chez Jean-Marie Beckers, à Visé.
Çà et là, plus loin dans le classement (voire beaucoup plus loin), figurent, bien entendu, d'autres Belges. C'est le cas, par exemple et entre autres : de Shiwan (Sihawan x Wermut, 2014, de Patrick et Marité Roussel-Van Haelen, chez Zabawa Arabians, à Marbehan, auteur notamment d'une belle performance, à Fleurines, en juin, sur 160, avec Olivia Antoine) ; du Champion d'Italie en titre, Banco du Vallois (Zabor x Pegaz, 2011, avec Daniele Serioli, qui est un fils d'un étalon de chez Zabawa également) ; d'Indira d'Havenne (Gerik de Rendpeine x Arafhad, née chez Marcel Rossius, à Houyet, en 2014, une des montures de tête de la néerlandaise Carmen Romer-Theunissen) ; ou de plusieurs représentants de l'Eaunoire.
Autres constats
1/ En Europe, derrière la prédominance de la France, les contrées du Sud confortent leur statut de meneurs (Espagne, Italie, Portugal).
2/ A l'inverse, les pays germaniques, scandinaves, slaves et apparentés, sont à la peine. Puisse le Mondial Junior 2025, organisé en septembre en Roumanie, permettre au Bloc de l'Est de se mettre en évidence.
3/ Sur les divers continents, les Anglo-Saxons, autrefois nations motrices de la discipline, ont troqué la locomotive pour le wagon-balai. Quid des atours passés des USA, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni ou du Canada ?
4/ Parmi les continents autres que l’Europe, c’est l’Asie qui, comme dans l'ensemble des domaines sociétaux, se profile comme un poids lourd de la discipline : tout le Proche-Orient (Émirats et Bahrein en tête), mais aussi la Malaisie (Bronze par équipe au Championnat du Monde Senior, à Monpazier, en septembre dernier) ou la Thaïlande, avec, en prime, la surprise chinoise (avec, entre autres, la médaille d’Argent en équipe à Monpazier, et l'apparition de personnalités prometteuses, comme Jiahe Isabella Sui, top mondial chez les jeunes cavaliers et membre de la sélection senior). De surcroît, le prochain Mondial Senior se tiendra en Arabie Saoudite (Al Ula, février 2026).
5/ Les Belges plient mais, grâce à des individualités, ne rompent pas. Notons néanmoins que la plupart des athlètes les plus en vue (celles et ceux dont le nom apparaît, par exemple, dans ce bilan) œuvrent hors Belgique : Louna Schuiten, Elisabeth Hardy, Marion Mottoul, Steve Peignat ou Zoé Snoeck vivent en France, Peter Bastijns et Clara Darmstaedter courent en Espagne, Dune White (discrète dans cet article car participe essentiellement à des CEN, les épreuves majoritaires aux Emirats) monte à Abou Dhabi, etc. Pour peu, Karin Boulanger et Lara Lemaire en seraient presque des exceptions. Alors, quand on est belge et désireux de performances, faudra-t-il nécessairement s’exiler ? Réponse fin 2025 !
6/ Enfin, impossible de clôturer 2024 sans évoquer la retraite, à 18 ans, et après plus de 8 saisons internationales menées exclusivement en partenariat avec sa complice Louna Schuiten, de l'extraordinaire Sabah du Courtisot (photo), gagnant sur 160, multi sélectionné en équipe belge, 15ème au dernier Mondial et 6ème au dernier Championnat d’Europe. Sabah (Kheersik El Asrit x Love), né et élevé au haras du Courtisot dans les Hauts de France voisins a, de toute évidence, marqué notre endurance noire-jaune-rouge de son sceau, comme ont pu le faire, à leur façon et à leur époque, quelques autres, à l'instar de, par exemple, Domino de Sier, Orféo des Iviers, Krizia des Iviers, SD Mengali, Poespas ou Sichen des Sauvlons. Qu'il nous soit permis un coup de chapeau à celles et ceux qui l'ont côtoyé dans sa remarquable carrière : Brigitte Branly Vidal et Jean-Pierre Branly (ses naisseurs et éleveurs), Lise Boulet (sa cavalière en national), Pierre Arnould et Karin Boulanger, et bien entendu Louna, épaulée par son compagnon d'entraîneur, Pierre Auffret, chez qui, en Bretagne, Sabah prend désormais soin de la tonte des pâturages et de l'éducation des poulains. Puisse son parcours servir d'exemple. Ainsi soit-il.